Louis Breguet, issu d’une famille d’horlogers, d’inventeurs et d’industriels, est né à Paris le 31 décembre 1879 (sa naissance sera officiellement enregistrée le 2 janvier 1880). Il compte parmi les pionniers les plus prestigieux de cette aviation naissante. Considéré comme le père de l’aviation scientifique, Breguet sera étroitement associé à la naissance de l'industrie aéronautique française et à son rayonnement mondial durant soixante-dix ans.
   
 
 
 
 
 
Le projet AV

Grace à des enseignements tirés de l’utilisation de ses avions sur le champ de bataille et à son expérience de constructeur, Louis Breguet entreprend en juin 1916, sans aide de l’État, l’étude et la construction d’un avion d’observation et de reconnaissance de nouvelle conception. Biplan, biplace en tandem, équipé d’un moteur à l’avant, cet avion est désigné Breguet «Type AV» (AV pour moteur à l’avant), prototype dont les développements donneront le Breguet XIV.

Précurseur, par son approche "scientifique" de la conception des avions, Louis Breguet utilisera parfois les services du Laboratoire et de la soufflerie aérodynamique Eiffel. Rappelons que, depuis la tour qu’il a construite, Gustave Eiffel mène dès 1906 des expériences sur la chute des corps et la résistance de l'air et réalise en 1909 une soufflerie aérodynamique au pied de la Tour puis à Auteuil en 1912.

Louis Breguet reste fidèle à la construction métallique qu'il pratique depuis 1907. Pour la motorisation, il porte son choix sur le Renault 12F de 220 chevaux dont la puissance pourrait être portée à 275 puis 300 chevaux. C’est sur ces bases que Marcel Vuillerme, ingénieur en chef du Bureau d’Études Breguet de Villacoublay est en charge des calculs du Breguet type AV. Il calcule les performances de l’avion dès le stade de la conception, dans la continuité des expériences menées avec la balance aérodynamométrique et en s’appuyant sur les formules pratiques de la Notice des travaux scientifiques et industriels élaborée par Louis Breguet

Breguet déclarera plus tard: «Ce sont ces formules qui me permirent de m’orienter résolument vers une formule d’avion que les services techniques de l’État hésitaient à adopter; c’est ainsi que naquit mon avion type XIV.»

   
 
   
 

Le Breguet AV1

Le prototype AV1 sort des ateliers le 17 novembre 1916. Il est équipé de la version alors disponible du moteur Renault 12F qui ne délivre encore que 263 chevaux, puissance inférieure aux prévisions escomptées. Le 21 novembre, Louis Breguet effectue le premier vol sur le terrain de Villacoublay avec Vuillerme comme passager en place arrière.

Ce dernier évoque de façon anecdotique l’événement mémorable:

«Au moment de mettre les gaz, Louis Breguet me dit:

– Vous êtes sûr de vos calculs?
– Parfaitement, cela tiendra bien.
– Eh bien, montez avec moi!

Ensuite, pour tout éprouver, Louis Breguet parcourt le terrain de long en large sans cependant mettre toute la puissance. Finalement, en me penchant en avant, par un geste du doigt, je lui suggère :
– Eh bien, décollez...
Et, effectivement, tout se passe bien, mais, à l’atterrissage, Louis Breguet étant habitué aux amortisseurs oléopneumatiques de ses avions à moteur arrière, l’appareil rebondit plusieurs fois.

L’avion aussitôt arrêté, je saute et vais tâter les haubans et les câbles, puis je fais mon rapport :

– Rien n’a bougé!

Si, pourtant, l’essieu en Duralumin était faussé...»

Les premiers vols sont encourageants mais les performances enregistrées ne répondent pas complétement aux spécifications du programme. La Section Technique de l’Aéronautique (STAé), service de contrôle des constructions aéronautiques militaires créé le 20 février 1916 et en charge des essais officiels, suggère au constructeur d’équiper son avion du moteur Hispano-Suiza de 220 chevaux. Breguet confirme son choix pour le moteur 12F que Louis Renault s’est engagé à développer pour fournir une puissance de 300 chevaux.

   
 
   
 

Le Breguet AV2

Sans attendre, Breguet entreprend la construction d’un nouveau prototype, le Breguet AV2 qui bénéficie des enseignements tirés de l’AV1. Les innovations portent sur le choix d’une nouvelle voilure et sur la géométrie de l’empennage pour tenir compte de l’effet de couple accru par la forte puissance du moteur.

L’AV2 est disponible pour les essais officiels dès le 11 janvier 1917.

Confiant dans les résultats d’essais de son prototype et escomptant une imminente passation de commande, Louis Breguet met en chantier, dès fin janvier et à ses frais, 10 Breguet AV2. Il approvisionne les matières premières pour 50 autres appareils. Il annonce que les gabarits et l'outillage sont prêts pour la production en série et qu’il est en mesure de livrer 300 avions pour fin juillet 1917, sous réserve de la fourniture des moteurs Renault.

Le 7 février 1917, la STAé rend compte de résultats très satisfaisants des essais statiques qui lèvent le doute émis par certaines instances officielles quant à la résistance de la structure en Duralumin dont le choix, ainsi validé, donne à cet avion une avance technologique de trois ans sur ses concurrents.

Les essais en vol de l’AV2 équipé du moteur Renault 12Fc 270ch sont réalisés, suivis de vols complémentaires d'évaluation effectués par différents pilotes, dont le lieutenant Lemaître «pilote au front» et délégué pour suivre les essais de l'AV.

Les conclusions mettent en évidence une polyvalence potentielle de l’avion qui lui permet de répondre aux spécifications de plusieurs catégories du programme de novembre 1916.

 
 

Le Breguet XIV

Le 6 mars 1917, Breguet reçoit une première commande de 150 exemplaires du Type AV de corps d'armée. L’appareil reçoit la dénomination officielle «Breguet XIV type A2».

Les prototypes AV1 et AV2 présentent chacun des caractéristiques techniques spécifiques qui les identifient comme deux avions différents. L’AV1 reçoit l’appellation «Breguet XIII». L’AV2 est alors considéré comme le prototype du Breguet XIV.

L'AV1, l'AV2 et les 10 exemplaires construits aux frais de Louis Breguet sont inclus dans le marché. Le Service des Fabrications Aéronautiques (SFA) attribue à chaque appareil un numéro matricule qui ne caractérise pas pour autant l’ordre de sortie d’usine. L’AV1 reçoit le matricule 662 et l’AV2 le 663.

Le Breguet XIV se singularise par sa conception innovante.

Géométrie de la voilure et volets aérodynamiques automatiques
La voilure, dont une étude du Laboratoire Eiffel présente des résultats d'essai, possède une flèche de 4 % et une aile supérieure décalée de 15 cm vers l’arrière par rapport à l’aile inférieure. Cette disposition vise à une plus grande facilité de centrage, une meilleure stabilité de route et une amélioration de la visibilité vers l’avant.

Seule l'aile supérieure est affectée d’un dièdre et possède des gouvernes de gauchissement.

L’aile inférieure comporte, sur toute son envergure, des volets mobiles avec rappel automatique actionné au moyen de douze sandows en caoutchouc à tension réglable manuellement. À l’arrêt, les volets sont en position basse. En fonction de l’augmentation de la vitesse de l’appareil, les volets se relèvent progressivement pour atteindre leur position en butée dans le prolongement aérodynamique du profil d’aile. Ce dispositif, en avance sur son époque, offre une augmentation de sustentation et permet l'atterrissage à faible vitesse, n’exigeant pas ainsi de longue piste.

   
 
   
 

Le Duralumin

Le Breguet XIV, premier avion français à structure métallique construit en série, se caractérise par l’emploi généralisé du Duralumin, matériau utilisé pour la structure des dirigeables mais encore rare en construction aéronautique.

Alliage à base d’aluminium, de cuivre, de magnésium et de manganèse, le Duralumin est léger et possède des caractéristiques mécaniques voisines de celles de l’acier. Il constitue la structure du fuselage, de l’empennage, des gouvernes et de l’atterrisseur. Les mats d’ailes et les longerons sur lesquels sont fixées les nervures en bois sont constitués de tubes de duralumin. Les ailes, l'empennage, les gouvernes et l'arrière du fuselage sont recouverts de toile de lin ou de coton imperméabilisée au moyen d'un enduit spécial avant peinture de finition.

L’alliage d’aluminium trempé à 500°C présente toutefois la difficulté de ne pouvoir être chauffé au risque de perdre, par détrempage, de ses propriétés remarquables. Louis Breguet et Marcel Vuillerme résolvent le problème en assemblant les divers éléments de structure au moyen de raccords en tube d’acier à l’intérieur desquels les tubes de duralumin sont goujonnés et soudés au soufre, technique de soudure qui n’altère pas les propriétés de la trempe initiale.

Le Breguet XIV est le premier avion au monde à combiner une utilisation généralisée de duralumin avec joints de structure oxysoudés.

 
 
  ©ASSOCIATION BREGUET XIV  
     
 
 
     
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